IRP FEED_MM : Formation et évolution de biominéraux issus de matériaux biologiques minéralisés et biomimétiques : étude multi-échelle et multi-technique

IRP FEED_MM, Formation et évolution de biominéraux issus de matériaux biologiques minéralisés et biomimétiques : étude multi-échelle et multi-technique entre l’Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg (UMR7504 CNRS, Univ. De Strasbourg ) (Ovidiu Ersen) et l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) (Marcos Farina)

Description du projet :

Ce projet vise à élargir les études réalisées dans les précédentes collaborations en développant une approche multi-échelle et multisélective pour l’étude structurale et analytique des propriétés des (bio)matériaux et des minéraux biomimétiques. Un accent particulier sera mis sur le suivi in situ de leurs processus de formation et de transformation structurale. La méthodologie sera basée sur une combinaison de techniques de microscopie électronique en transmission, résonance magnétique nucléaire, tomographie aux rayons X, spectroscopie d’absorption et de diffusion des rayons X et de modélisation et de simulation atomistique. Elle sera conçue pour fournir un aperçu complet de la formation et de l’évolution des systèmes étudiés dans des conditions représentatives des processus biologiques. Une large variété de matériaux biologiques ou biomimétiques sera considérée, allant de structures cristallisées complexes de carbonate ou de phosphate de calcium jusqu’à des organismes vivants.

Contexte scientifique :

La compréhension des propriétés et des transformations structurales des biominéraux au sein des tissus biologiques minéralisés est une étape essentielle vers leurs applications potentielles dans différents domaines. En chirurgie réparatrice, on sait par exemple que la bio-intégration d’implants est d’autant plus efficace que les propriétés de l’os et de l’implant sont proches les unes des autres. Aussi élaborer des implants selon un mode de croissance inspiré de celui du tissu hôte représente une voie d’élaboration prometteuse pour améliorer la bio-intégration. Toutefois, avant de pouvoir développer et mettre en œuvre des protocoles de croissance bio-inspirés, il faut acquérir une compréhension approfondie des processus de germination et croissance des minéraux qui les composent, et de leur formation en général. Ces processus sont complexes. Ils impliquent de nombreux phénomènes physico-chimiques agissant à différentes échelles spatiale et temporelle : la dissociation des précurseurs, la diffusion, l’agglomération réversible ou non et l’assemblage des entités atomiques obtenues après la dissociation des précurseurs, etc. La cinétique de ces phénomènes est donc compliquée à suivre et l’intrication spatiale et temporelle de chacun des phénomènes impliqués rend difficile l’identification du rôle précis joué par chacun d’entre eux. Plus spécifiquement, dans le domaine de la biominéralisation, la transposition des phénomènes impliqués dans la croissance à d’autres types de systèmes tels que des oxydes par exemple nécessite non seulement de comprendre la relation entre la présence des organismes vivants (bactéries, par exemple) et/ou de molécules organiques permettant d’initier et/ou d’accélérer le processus de croissance une fois les premiers germes formés, mais également de déterminer les caractéristiques des minéraux obtenus telles que la composition, la taille et la morphologie, afin d’identifier les paramètres les contrôlant.

Historique et ancienneté de la collaboration :

A l’IPCMS, nous avons eu l’occasion d’aborder ces sujets en utilisant principalement des outils de caractérisation utilisant la microscopie électronique dans le cadre du LIA « AEMB » (Advanced Electron Microscopy for Biomaterials) entre le CNRS et l’Université de Rio de Janeiro (2016-2020). Des résultats particulièrement intéressants ont été obtenus concernant, en particulier, les études in situ de la germination et de la croissance de cristaux de calcite en présence de diverses molécules biologiques ou la production de cristaux de magnétite de magnétosomes dans des bactéries magnétotactiques, processus qui ont pu être suivis en temps réel, complétés par des simulations et des modélisations atomistiques. Ces résultats, obtenus durant les séjours des doctorants et des post-doctorants impliqués dans le projet, ont donné lieu à une dizaine de publications (voir la liste des articles). Cependant, l’utilisation unique de la microscopie électronique ne permet pas une description phénoménologique complète des processus, en raison des contraintes intrinsèques de cette technique, de la dégradation de la résolution inhérente aux expériences en milieu liquide et aussi du manque de sélectivité chimique des analyses.
En ce qui concerne les autres laboratoires qui participeront au projet, de son côté le LCMCP a mis en place des synthèses originales de matériaux hybrides et de minéraux biomimétiques (carbonates et phosphates de calcium) qui modélisent les os, les dents, les carapaces de crustacés ou les coquilles de mollusques. Le LCMCP a développé des méthodes originales d’analyse par RMN à l’état solide afin de caractériser à l’échelle atomique des propriétés clefs de ces matériaux biomimétiques et biologiques tels que l’état de surface des biominéraux, l’interface organo-minérale, les défauts et occlusions intra cristallines. De plus, en utilisant une approche in situ, toutes les étapes de la formation des cristaux peuvent être appréhendées ce qui inclus les espèces transitoires (clusters de prénucléation, phase liquide dense, particules amorphes…). La collaboration avec des biophysiciens de l’Université de Sao Paolo a permis de complexifier nos systèmes vers une voie encore plus biomimétique en ajoutant, d’une part, un élément qui entre dans la composition osseuse du minéral à 10%, i.e. le strontium, et d’en étudier les effets sur la croissance minérale osseuse (3 publications parues et 2 en cours) et, d’autre part, des vésicules de sécrétion cellulaires décrites comme précurseurs à la minéralisation osseuse, ce qui fait encore débat (étude en cours).

Objectifs scientifiques :

Ce nouveau projet se propose d’élargir sensiblement les études réalisées dans les précédents projets et collaborations avec le Brésil. Nous développerons une approche multi-techniques et multi-échelle pour l’étude structurale et analytique des propriétés des (bio)matériaux et des minéraux biomimétiques. Un accent particulier sera mis sur le suivi in situ de leurs processus de formation et de transformation structurale induite par une contrainte externe appliquée ou par leur évolution dans le temps. Nous élargirons notre approche à d’autres catégories de systèmes, en particulier aux oxydes métalliques (naturellement présents dans les bactéries magnétotactiques par exemple). La méthodologie sera basée sur une combinaison unique des techniques de microscopie électronique en transmission (MET), résonance magnétique nucléaire (RMN), microtomographie aux rayons X (micro-CT), spectroscopie d’absorption et de diffusion des rayons X sur synchrotron (XAS, SAXS, WAXS) et de modélisation et de simulation atomistique (DFT, champs de force) et fournira ainsi un aperçu complet de la formation et de l’évolution temporelle des systèmes d’intérêt dans des conditions représentatives des processus biologiques. Concernant les systèmes choisis, une plus grande variété de matériaux biologiques ou biomimétiques sera considérée par rapport à ceux étudiés dans les précédents projets, allant de structures cristallisées complexes de carbonate ou de phosphate de calcium, contenant éventuellement aussi des biomolécules, jusqu’à des organismes vivants comme par exemple des bactéries, en passant par d’autres structures complexes telles que les magnétosomes.

Originalité :

L’association de ces outils pour l’étude de matériaux biologiques ou biomimétiques (dont des minéraux purs) dans des conditions représentatives de leur formation ou évolution, avec une méthodologie commune d’analyse des données et une conceptualisation globale des principaux résultats, est sans précédent. Cette approche sera : i) multi-échelle, allant du mm au sous-nm, en combinant des informations moyennées à des informations locales sur le nano-grain ou sur un centre de nucléation unique, pour élucider la rôle des hétérogénéités structurelles et chimiques; ii) multi-sélective, fournissant des informations morphologiques, structurales et spectroscopiques sur les différents éléments présents dans le système étudié ; iii) in situ, résolue en temps et en conditions représentatives des processus étudiés.

Complémentarité et rôle des partenaires :

Les laboratoires français ont des expertises fortes dans l’utilisation des techniques MET (IPCMS) et RMN(LCMCP), dans le traitement du signal et dans la quantification des données, ainsi que plus généralement dans l’étude de la structure et des propriétés des (bio)matériaux (LCMCP et IPCMS). Leurs compétences dans les méthodes de dynamique moléculaire et de calcul de structure électronique seront également mises à profit (IPCMS). Les partenaires brésiliens apporteront leur expertise et leurs connaissances sur les propriétés et le comportement des matériaux biomimétiques (maitrise de l’insertion de strontium dans l’apatite biomimétique de l’os, et contrôle enzymatique de la précipitation de phosphate de calcium). Leur savoir-faire dans la préparation et la manipulation des matériaux biologiques pour les observations par microscopie est un élément indispensable de ce projet, ainsi que leurs compétences dans l’utilisation des techniques de rayons X sur grands instruments, complémentaires de la microscopie électronique et de la résonance magnétique nucléaire pour l’étude des biomatériaux.

Retombées attendues:

Ce projet relève de la recherche en amont dans le domaine des matériaux biologiques minéralisés et des matériaux biomimétiques (e.g. biomatériaux) potentiellement utilisables en médecine. Ces caractérisations sont destinées à définir les conditions de réalisation de (bio)matériaux biocompatibles dans le but d’améliorer leurs propriétés. Par exemple, les activités menées dans ce projet pourraient contribuer à la détermination des conditions de récupération plus rapide et plus efficace des défauts osseux. Il s’agit d’un exemple parfait de la synergie qu’il devrait y avoir entre les aspects physiques et chimique de l’analyse des systèmes d’intérêt et ceux de la biologie moléculaire pour permettre, par exemple, d’isoler des molécules à partir de cellules souches osseuses en utilisant des marqueurs moléculaires.

Les laboratoires français voient dans ce nouveau projet une occasion d’élargir leurs connaissances et savoir-faire dans ce domaine. Il est attendu de la réunion de ces grands champs de compétences complémentaires une synergie devant déboucher sur des avancées dans les domaines de la compréhension des mécanismes fondamentaux de la biominéralisation et de l’élaboration de matériaux fonctionnels biomimétiques. Ce projet renforcera un partenariat fructueux entre la France et le Brésil et étendra le réseau de collaborations établi au sein du précédent LIA, avec un périmètre élargi. Des écoles et formations seront également organisées qui soutiendront l’accueil de chercheurs et de doctorants des deux parties.

Mots-clés : (bio)matériaux, biominéraux, tissus biologiques, biominéralisation, biomimétisme, TEM, RMN, techniques synchrotron, analyse multi-échelle, modélisation.

    Participants

    • Ovidiu Ersen, Coordinator France
    • Marcos Farina, Coordinator Brazil